Publications scientifiques
D. GASTAMBIDE, P.L. PEYROU (PARIS)
A la suite de la venue de T. TAJIMA en Europe en 1989 7 , nous avons effectué la première la discectomie cervicale percutanée en 1990. Nous avons mis au pont un matériel français en 1992 1, 2, 3 . Le but de ce travail est de faire le bilan de 12 ans de cette technique.
L'abord intercorporéal cervical suivi de fusion intersomatique reste la pierre angulaire du traitement chirurgical des hernies exclues et de certaines myélopathies cervicarthrosiques. Cette technique nécessite habituellement d'entrer dans le canal médullaire, et fait risquer au patient des complications telles qu'un saignement épidural, une fibrose périradiculaire.
L'excision discale chirurgicale antérolaterale "à invasivite minimale" évite ces complications, et offre une alternative aux méthodes thérapeutiques dans les névralgies cervicobrachiales dues à une hernie discale. En cas d'échec, elle ne gène pas les abords chirurgicaux conventionnels ultérieurs, et elle offre de nombreux avantages, dont en particulier: outre l'absence de risque de saignement épidural et de fibrose périradiculaire, maintien de la stabilité du segment mobile intervertébral, diminution du risque de récidive en créant une fenêtre discale antérieure. Enfin, le temps passé en salle d'opération est diminué, ainsi que la durée d'hospitalisation, et le patient peut reprendre ses activités habituelles plus rapidement.
Nous l'effectuons maintenant sous anesthésie générale après une pratique de plusieurs années sous anesthésie locale et neuroleptanalgésie.
Le matériel comprend:
Protocole opératoire (D. GASTAMBIDE):
Pour diminuer le risque infectieux, l'excision discale chirurgicale antérolatérale "a invasivité minimale" doit être effectuée en salle d'opération avec une asepsie particulièrement rigoureuse, de préférence sous anesthésie générale.
Préparation du patient
Sur un patient en décubitus dorsal, sur une table radio-transparente, les épaules sont abaissées à l'aide d'élastoplaste reliant plante des avant pieds et épaules. Le front est fixé par un élastoplaste, légèrement tourné du côté opposé à l'opérateur. Les bras sont placés le long du corps, et l'anesthésiologiste met une perfusion sur le membre supérieur opposé à l'opérateur.
L'arceau de l'amplificateur de brillance est mis en place, de face puis de profil, et le niveau à opérer est soigneusement inscrit sur la peau au crayon feutre en s'aidant d'un instrument métallique de face et de profil. Le niveau à opérer est contrôlé en comptant les vertèbres cervicales de haut en bas puis de bas en haut. Pour une meilleure visualisation du disque C6-C7, une inclinaison légère de l'amplificateur de brillance peut être nécessaire. Le crayon feutre marque le bord interne du muscle sterno-cléido-mastoïdien, l'axe médian du cou, le bord supérieur du sternum, et trace le pourtour de la zone cutanée à aseptiser.
La peau est badigeonnée d'un antiseptique, l'amplificateur est couvert d'un champ stérile, puis la zone opératoire est entourée d'un champ dit d'arthroscopie qui ne sera relevé que du côté opposé à l'opérateur, de façon à autoriser une surveillance du patient de la part de l'anesthésiologiste. Ce champ ne sera pas fixé du côté de l'opérateur pour laisser de l'espace libre lors du passage de l'arceau de l'amplificateur de brillance de profil.
Si une anesthésie locale est préférée, comme nous le faisions dans les premières années, elle doit être accompagnée d'une neuroleptanalgésie. Typiquement, une solution de xylocaïne à 1% est utilisée pour infiltrer la peau et le tissu cellulaire sous cutané. Afin de minimiser l'épaississement des tissus sous jacents , et afin de permettre une palpation fine de l'axe rachidien, nous préférons ne pas infiltrer plus profondément à la xylocaïne.
Le défilé vasculo-viscéral
Toute l'intervention est basée sur le fait que tout le contenu prévertébral du cou est très mobile. L'axe viscéral (trachée et larynx, oesophage et pharynx) est facilement refoulé du côté opposé à l'opérateur, tandis que l'axe vasculaire (artère carotide primitive, veine jugulaire interne) est refoulé en dehors. Lorsque l'index de l'opérateur se fraye un passage qui ouvre ce défilé sur le patient analgésié, il perçoit parfaitement les battements de l'artère carotide en dehors. La pulpe de l'index se glisse ensuite en dedans vers la face antérieure des corps vertébraux, refoule en dedans l'axe viscéral, et perçoit le relief du bord antérieur du disque à traiter, entre deux dépressions correspondant à la concavité des corps vertébraux adjacents.
Les temps opératoires
Courte incision horizontale avec une lame de bistouri N°11. Au bord de cette incision, l'index gauche de l'opérateur va s'appuyer sur le milieu du bord antérieur du disque à traiter, en vérifiant le bon niveau sur la scopie de face. L'aiguille guide avec à l'intérieur son mandrin, engainée du premier tube de dilatation, les trois biseaux (mandrin, aiguille, premier tube) étant strictement dans le même plan, est passée au bord de la pulpe de l'index dans l'incision cutanée, et passe sans difficulté au milieu du bord antérieur du disque à traiter. Après un dernier contrôle scopique de face, une pression légère fait pénétrer l'aiguille dans la paroi antérieure du disque. L'arceau de l'amplificateur de brillance est alors placé de profil, on contrôle le bon niveau, et fait pénétrer l'aiguille sur 5 mm environ. La pression de la pulpe de l'index gauche peut être interrompue. L'aiguille guide est enlevée avec son mandrin en laissant le premier tube de dilatation. Un deuxième tube de dilatation est passé sous contrôle scopique, puis le tube de travail. De petits mouvements de rotation axiale et une certaine pression appliquée au tube métallique permettent un passage à travers le disque sur plusieurs millimètres.
Une "carotte" de substance discale est prélevée plusieurs fois à l'aide de la tréphine passée au travers du tube de travail. Ensuite, une pince à disque fine dont on écarte les mors dès la sortie du tube de travail retire de la substance discale en se dirigeant sur le site de la hernie en allant contre le ligament vertébral postérieur saillant en arrière.
Si la substance discale prélevée est blanchâtre, tout à fait avasculaire, l'opérateur est assuré de la bonne situation des instruments. Si les fragments prélevés sont rosés, il peut s'agir soit de fragments d'os issus du bord des uncus ou d'ostéophytes, soit de substance discale revascularisée par une angiogénèse marginale, analogue aux fragments de hernie discale lombaire analysés par Greulich et Pyle, qui dans 7 à 8% des cas présentaient une angiogénèse marginale.
En fin d'intervention, un rinçage abondant est effectué à l'aide de la canule de lavage. Les instruments sont retirés.
La fermeture cutanée est assurée par du fil à résorption rapide.
Complications théoriques
Les complications restent essentiellement potentielles
Complications immédiates: blessure vasculaire, hématome prévertébral, œdème laryngé, perforation oesophagienne, lésion du nerf récurrent, du nerf laryngé supérieur (IX), du grand hypoglosse (XII), bris de matériel intradiscal, aggravation de la symptomatologie initiale, compression médullaire avec troubles neurologiques
Complications secondaires: spondylodiscite subaigue, abcès épidural avec troubles neurologiques (complication décrite après discographie cervicale par P.M. CONNOR et B.V. DARDEN; SPINE, Vol. 18, N°14, pp 2035-2038, 1993)
Résultats
Sur 82 patients de 42 ans en moyenne (sex ratio 35/47), 57 ont subi une discectomie à 1 niveau, la majorité en C5C6, 27 ont été opérés à 2 étages simultanément, 1 à 3 niveaux dans le même temps opératoire.
Trois patients ont été opérés à 2 reprises en percutané au niveau cervical, un après une récidive au même niveau, 2 autres patients après une récidive de NCB à un niveau différent.
Certains patients ont été victimes de lombosciatique, soit en même temps que la NCB, soit avec un intervalle libre qui précédait ou suivait la NCB, et ont dû subir une intervention chirurgicale lombaire:
Avec un recul de 15 mois en moyenne (3 à 90 mois), nous avons 80 résultats connus, 57 bons (71,2%), 14 assez bons (17,5%), soit 88,75% de succès, 9 échecs (11,2%) qui ont nécessité 2 arthrodèses dans un 2ème temps.
Nous n'avons pas noté de complication dans cette série: pas d'infection, pas de complication neurologique, pas de lésion oesophagienne ni vasculaire.
Commentaires techniques
Les doses de rayon X doivent être minimisées par le port de gants plombés, et une stricte limitation des temps d'exposition aux rayons X.
Le bord antérieur d'une apophyse transverse peut donner l'impression à la pulpe de l'index qu'il s'agit du bord antérieur du disque. Le contrôle radioscopique corrigera.
Nous faisons pénétrer le premier instrument dans la paroi antérieure du disque sur un à deux millimètres afin de minimiser le risque de saignement et surtout pour éviter un déplacement intempestif du tube. Le tube de travail est mis en place en pénétrant le disque de quelques mm. Il permet le passage de la tréphine dont l'extrémité active reste dans la substance discale.
Une hyperpression intradiscale peut refouler et faire sortir du disque les premiers instruments si l'on n'y applique pas une pression ferme.
Il faut alors tout recommencer et remettre l'arceau de face.
Lorsque nous utilisions l'anesthésie locale, le patient était souvent en mesure de préciser que sa douleur, présente immédiatement avant la pénétration des instruments, disparaissait dès que de la substance discale était enlevée. Il en est de l'hyperpression intradiscale comme d'un syndromre de tamponnade péricardique, où il suffit d'enlever quelques centimètres cube pour lever la symptomatologie.. Lors du lavage discal, on pouvait reproduire une hyperpression intradiscale qui provoquait la douleur correspondante irradiée à un membre supérieur.
Nous avons abandonné la discographie pour plusieurs raisons:
Le niveau à traiter est par ordre de fréquence C5-C6, puis C6-C7, aisément accessibles à condition de bien abaisser les épaules, puis C4-C5 sur le côté du cartilage thyroïde, sans difficulté particulière, enfin C7-D1 que l'on ne pourra atteindre que chez les femmes longilignes.
Comparaisons avec la chirurgie "ouverte"
Globalement, les discectomies conventionnelles à ciel ouvert donnent 90% de patients satisfaits.
Le morbidité en est plus élevée: on note des complications chez 21 patients sur 75 à La Pitié 1995-1999 (6), 10,5% (14/132)pour S.H. Lee (5), et 19/142 pour Hacker dans une étude multicentrique (4) (tableau)
Comparaisons avec la chémonucléolyse
La chémonucléolyse cervicale dont les statistiques ont été publiées à Toulouse, à Strasbourg et à Beaujon, donne sensiblement les mêmes résultats, mais elle est contre-indiquée chez les patients allergiques, et le dictionnaire Vidal émet des restrictions: "la hernie discale cervicale n'est pas une indication (à la chymiodactine®) en l'absence d'étude clinique démonstrative et compte tenu de la possibilité de survenue d'effets indésirables sévères”. On sait de plus qu'il est prévu un arrêt de fabrication de la chymiodactine à la fin 2001.
La majorité des patients présentant une névralgie cervicobrachiale due à une hernie discale, répond à un traitement médical bien conduit. Cependant, les symptômes associés à une fibrose cicatricielle intra- et périneurale due à une pression prolongée sur la racine nerveuse, peuvent devenir irréversibles. Ainsi, après une période appropriée de traitement conservateur, l'apparition ou l'aggravation d'un déficit neurologique nécessite de poser l'indication d'une décompression chirurgicale. Enfin, la baisse du seuil de tolérance à la douleur, et le besoin de morphinomimétiques doivent faire avancer la date de l'intervention chirurgicale. Cette technique est indiquée dans le traitement chirurgical de la névralgie cervicobrachiale due à une hernie discale, que la hernie soit médiane, postérolatérale, ou foraminale. Une très volumineuse hernie ne constitue pas une contre-indication.
Les indications limites sont constituées par la cervicalgie aiguë (torticolis aigu), des douleurs discogéniques, ou de l'arthrose cervicale isolée.
Les patients souffrant d'une hernie exclue, ou ayant des antécédents de chirurgie discale ou de chémonucléolyse sans succès, ou présentant une sténose canalaire prédominante, les patients âgés avec une protrusion discale dégénérative, ne sont pas des candidats pour à notre technique. Cependant certaines saillies "disco-ostéophytiques" peuvent constituer une bonne indication si la symptomatologie est relativement récente et si elle correspond à un territoire radiculaire net.
Les patients présentant un syndrome pyramidal ou un déficit neurologique sévère constituent des contre-indications.
Une autre indication limite est constituée par une récidive de hernie discale après chirurgie
à ciel ouvert, soit au même niveau (1 cas dans notre série), soit à une étage différent (1 cas).
La discectomie chirurgicale percutanée a prouvé qu'elle est sans danger malgré le voisinage de structures vitales, si elle est pratiquée avec rigueur. Les craintes de complications per-opératoires, en particulier perforation oesophagienne ou hématome, ne paraissent pas fondées.
Son succès repose sur les éléments suivants:
Respect des indications: hernie médianes, paramédianes, latérales
Le volume important ne constitue pas une contre indication
Les saillies disco-ostéophytiques si la participation osseuse à la symptomatologie est peu importante. Une récidive de hernie discale après chirurgie conventionnelle soit au même niveau, soit à un niveau adjacent, sont des indications limites.
Bonne connaissance de l'anatomie
Respect rigoureux des détails techniques
Choix prudent de l'étage à opérer
Sélection rigoureuse des patients et identification des éléments psychosociaux dans la persistance de la douleur qui reste le seul et le plus important facteur du résultat final de discectomie chirurgicale .
GASTAMBIDE D., Discectomie Cervicale Percutanée. Synthèse et perspectives, Assises Internationales du Dos (Spine International Congress), Grenoble 1991
GASTAMBIDE D., Percutaneous not automated cervical discectomy: technique and early results, presented at the EFORT, Paris, April 1993, The Journal of Bone and Joint Surgery, Vol. 75B, 1993, p.184
GASTAMBIDE D., Percutaneous non automated cervical discectomy,Technique and results, presented at the ISMISS meeting (International Society for Minimal Invasive Surgery of the Spine), SICOT, Seoul, September 1993
HACKER R.J., CAUTHEN J.C., GILBERT T.J., GRIFFITH S.L., A prospective randomised multice,ter clinical evaluation of an anterior cervical fusion cage. Spine 2000, 25,(20), pp2646-2655
LEE S.H., GASTAMBIDE D. Perkutane endoskopische Diskotomie der Halswirbelsäule. J. Pfeil, W. Siebert, A. Janousek, C. Josten(ed) Minimal-invasive Verfahren in der Orthopädie und Traumatologie Springer-Verlag Berlin Heideberg, 2000, pp 41-61
SAMAHA C., JAYANKURA M., NICOLAON L., LAVILLE C.,CASTELAIN C., BENAZET J.-P., SAILLANT G. Discectomie cervicale antérieure selon la technique de Smith-Robinson. Etude rérospective de 68 cas et revue de la littérature; Journées du rachis de Paris 2001, Hernie discale cervicale… Sous la direction de Pr Gérard SAILLANT, Pr Alain DEBURGE, Jean|-Pierre BENAZET, Michel BENOIST, Pierre GUIGUI, Jean-Yves LAZENNEC, Claude LAVILLE, Gérard MORVAN, Sauramps medical 2001, pp 67-79
TAJIMA T., SAKAMOTO T., YAMAKAWA H., Discectomie cervicale percutanée, Revue de Medecine Orthopedique, 1989, 17: 7-10
TAJIMA T., Results of the 10 years-past Percutaneous Cervical Discectomy, presented ar the Japanese Orthopaedic Association, 1993
Figure 1 : Le doigt de l'opérateur refoule l'axe viscéral et va au contact du disque
TABLEAU: Complications comparée des techniques percutanées et conventionnelles
soit pratiquement 10 fois moins de complications en chirurgie percutanée qu'en chirurgie conventionnelle ouverte